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  • Photo du rédacteurleo22062

La bouffe, meilleur prétexte autobiographique

Dernière mise à jour : 25 janv. 2023

A l'heure où tout le monde parle de soi tout en vivant dans la crainte d'être taxé d'illégitimité, d'appropriation culturelle et de plagiat, la bouffe semble être le meilleur thème où chercher une niche autobiographique et y aller de sa petite histoire. En effet quoi de mieux que d'évoquer les recettes de l'enfance, les rituels familiaux et les produits que l'on a ingéré soi même pour déployer des récits dont nous sommes les héros?

D'ailleurs, je pense que si j'ai ouvert ce blog c'est aussi pour prendre la parole à moindre risque. C'est plus simple, il est vrai, de digresser sur un curry de gombo que de parler des clashs inter-ethniques en Inde et plus agréable de gloser sur un guacamole que sur le problème de sècheresse au Chili.

Imbue de mon pouvoir narratif, je m'en vais donc embrayer sur le commentaire d'une photo ratée, mais qui veut dire beaucoup pour moi.

Il s'agit d'une photo floue des mains potelées de mon père tenant un oeuf dur.

Pas super instagrammable, j'avoue. C'est bien pour ça que je vais raconter l'histoire de cette photo qui coche toutes les cases de l'esthétique vernaculaire (amateurisme technique, pas de velléité artistique, scène issue du quotidien).

Une visite au cimetière

Alors voilà, au printemps 2022, entre deux confinements, nous décidons, mon père, mon frère et moi-même d'aller rendre visite à ma mère au cimetière d'Osmery, dans le Cher, pas loin de Bourges. Nous sommes en Mars ou Avril, je ne sais plus, mais en tout cas les restos n'ont pas réouvert. Nous savons donc que nous n'allons pas pouvoir nous poser autour d'un repas après avoir changé les fleurs de la tombe. Anticipant le problème, nous partons avec un mini pique-nique. Plutôt frugal à vrai dire. Maintenant que j'y pense je me dis que lorsque l'on s'appelle Dagoret de Français de Boisgisson et que l'on a le caveau de famille le plus élevé et le plus ornementé du cimetière on aurait pu penser à garnir un joli panier d'osier avec des terrines, du pâté en croute et un beau morceau de fromage. Au lieu de cela, nous nous posons humblement sur la dalle de pierre avec en tout et pour tout un quignon de pain, du comté , deux mini flasques de pinard et quelques oeufs durs.







Souvenir d'oeuf dur

J'étais seulement munie d'un appareil jetable ce jour là et j'ai pris peu de photos, comme il se doit. Une photo des platanes élagués qui longent l'allée du cimetière, une photo de la façade du caveau néo-gothique, une autre de Papa ouvrant la porte un peu rouillée de la mini chapelle et puis une autre encore, de Papa pelant un oeuf.

Pour tout avouer, je n'aime pas vraiment les oeufs durs. Enfin si, j'aime bien ceux des bistrots avec plein de mayo et du pain frais, mais je serais bien incapable d'en gober un comme ça. J'ai même des souvenirs atroces de mes voyages en train en Chine à la fin des années 90 quand des wagons entiers de passagers se mettaient à manger des oeufs et à roter leur odeur de souffre simultanément. Je n'ai donc pas mangé l'oeuf de la photo mais j'ai figé le geste de mon père dévoilant la blancheur de la cellule ovale recouverte d'albumine durcie. Après tout, l'oeuf est symbole de vie et avec le recul, je trouve très juste et très émouvant d'avoir emporté ça sur la tombe de Maman.

Voilà!




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