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La Pastiera de chez Simona

Dernière mise à jour : 4 juin 2022

Pâques à l'italienne


Depuis mon dernier séjour gourmand à Naples, je ne pense qu'à manger des paste et des pâtisseries fourrées à la Ricotta.

C'est pourquoi ce printemps je me suis dit que j'allais me procurer une Pastiera Napolitaine pour Pâques et la déguster en famille, histoire de changer des schokobons cachés dans le jardin.


La Pastiera, pour ceux qui ne connaissent pas, est une divine tarte de pâte sablée fourrée d'un mélange de blé cuit, de ricotta et d'oeufs, subtilement relevée de cannelle, de fleur d'oranger et de fruits confits. Sur le dessus la tarte porte un entrelacs de croisillons, symbole d'espoir, qui lui donne cet aspect de tourte de dessin animé. En 2022 à Paris on n'en trouve pas à tous les coins de rue, loin s'en faut.

Je suis donc allée chez Pasticceria Simona (8 rue Mandar, Paris 2e), une pâtisserie ouverte par l'ancienne professeure d'italien de mon père il y a tout juste un an.


Simona est toute petite et toute mince, on a du mal à croire que ses pêchés mignon sont la crème pâtissière, la crème chantilly et pralinée...


Pasticceria italiana VS pâtisserie française


Et pourtant, elle a quitté sa carrière de prof pour se dédier à la pâtisserie de son pays, qui plus est dans le quartier de Montorgueuil, ce qui revient à se lancer dans la lingerie pour femmes rondes dans un marché dominé par les tailles 34. La comparaison parait un peu tirée par les cheveux, mais en fait, ce n'est pas tout à fait exagéré. Quand on voit le look des cornets italiens fourrés de crème riche et des maritozzi farcis de chantilly qui débordent à côté des éclairs au chocolat ou au café d'où rien ne dépasse, des jolis macarons conçus pour être pris du bout des doigts et des créations contemporaines qui font penser à des sculptures néo classiques, on se dit que les douceurs italiennes sont des femmes trop en chair moulées dans des fourreaux trop ajustés tandis que les françaises sont les Kate Moss de l'industrie.


Heureusement, de même que l'imagerie autour des corps évoluent, que les médias les montrent de plus en plus dans leur diversité et de moins en moins retouchés, les cordons du corset bien tenu de la gastronomie se dénouent quelque peu et, réseaux sociaux aidant, on voit de plus en plus de spécialités qui revendiquent haut et fort les rondeurs et les formes.


Le moment n'était donc pas trop mal choisi pour Simona pour proposer des cannoli et des choux à la crème.

Mais cette année je me suis contentée de commander une belle pastiera, qui, soit dit en passant, représente beaucoup de travail pour Marinella, la pâtissière qui officie au labo.


La colombe à Milan, la pastiera à Naples, deux villes, deux ambiances


Lorsque je passe rue Mandar pour récupérer le précieux gâteau, Simona me sert un espresso et me confie une chose, un peu gênée. Elle avoue qu'en tant que Milanaise, elle a toujours mangé de la Colomba pour Pâques. C'est à dire une sorte de Panettone fourré aux fruits confits en forme d'oiseau et qu'elle n'a découvert la pastiera napolitaine que sur le tard... Pourtant, toute nordique qu'elle soit, elle a maintenant clairement choisi son camp: celui de la pastiera.


Juste un mot sur la Colomba qui n'est pas mentionnée dans Le Diable Sucré, le livre de Christine Armengaud sur la symbolique des gâteaux car il elle n'est sans doute pas assez archaïque. "C'est une invention marketing" me dit Alessandro, un habitué de chez Simona.


Et oui c'est Angelo Motta, homme d'affaire milanais inventeur du Panettone (en 1925) qui décline sa brioche de Noel en brioche de Pâques en lui donnant une forme de l'oiseau qui symbolise la foi , l'espérance et qui plus est, représente le Saint esprit ! Malin non? Il fallait tout de même être italien et un peu catholique pour penser à ça!


Dans Le Diable Sucré, Armengaud dit :" Les oiseaux, notamment la colombe que l'on voit aussi dans l'imagerie de l'annonciation et de la Pentecôte, sont, à l'évidence, les animaux les mieux tolérés par l'Eglise." (elle dit ça en comparaison avec les dragons et les serpents que l'on trouve beaucoup en Italie et en Sicile et qui sont un peu gênants...) Elle explique qu'à Sifnos en Grèce, toutes les femmes s'affairent à faire des gâteaux en forme d'oiseau la semaine avant Pâques, idem en Russie.


Angelo Motta s'est donc inscrit dans la pure tradition pagano-catholique-orthodoxe avec sa colomba!

Cette année on pouvait s'en procurer chez Eataly et chez tous les bons traiteurs italiens.



Mais revenons à la pastiera napolitaine, ce délice pascal incontournable, cette tarte riche pleine de saveur et d'arôme.



Des origines païennes et chrétiennes


Comme tout ce qui vient de Naples, une aura mythique entoure ses origines. Eda, qui tient le blog Un déjeuner au soleil les résume très bien et je me permets de copier coller un bout de son billet ci dessous:

"Apparemment la pastiera est une évolution d’un pain romain rustique à l’épeautre que l’on offrait à Cérès, la déesse de l’agriculture et de la fécondité, au printemps. La forme que nous connaissons aujourd’hui, plus raffinée et plus « pâtissière », a été inventée dans les couvents et formalisée au XVIIIème siècle par les soeurs de San Gregorio Armeno. Ce gâteau plein de trésors est synonyme d’espoir, de résurrection et contient (un peu comme le casatiello) des ingrédients symboliques : l’oeuf (infini), le blé (renouvellement, renaissance), la ricotta (pureté), la farine (force et richesse) et les parfums de la Méditerranée comme la fleur d’oranger (le printemps), la cannelle, le sucre, les fruits confits (synonymes aussi de richesse, de voyage).



Il y a une autre jolie légende derrière la pastiera : la sirène Parthénope, symbole de la ville, avait décidé de prendre sa demeure dans le magnifique Golfe de Naples. Une fois par an, au printemps, elle faisait son apparition hors des eaux avec des chants d’amour sublimes et doux. Pour lui rendre hommage, les habitants fascinés lui offrirent les 7 meilleures matières premières à disposition. La sirène Parthénope déposa ces dons aux pieds des dieux qui créèrent la pastiera."



Une sirène pâtissière?


Personnellement, j'adore imaginer une sirène en commis de cuisine et les dieux Gréco-romains en tablier tout concentrés à déposer des bandes de pâte sablée sur la divine tarte... Mais je pense que la version des soeurs du monastère San Gregorio Armeno est plus plausible. Après tout on doit bien des douceurs aux ordres monastiques. C'est même vertigineux tout ce qu'on leur doit en matière de pâtisserie! Ce paradoxe m'intéresse au plus haut point. Quand on pense au pêché de gourmandise clairement condamné par les saintes écritures, aux voeux de sobriété, de pauvreté édictés par l'église il semble pour le moins antinomique que des religieuses aient eu recours à autant de produits rares et chers en leur temps(oeufs, amande, miel, épices, puis sucre) pour créer tant de matière à tentation!! Et pourtant, c'est assez logique.


Délices monastiques

L'Eglise, était détentrice d'un pouvoir important dans le monde d'avant, celui où séculier et spirituel formaient les têtes de l'aigle bicéphale qui régentait les affaires humaines et avait donc accès, au même titre que la couronne, à toutes sortes de denrées précieuses qui transitaient de par les ports en même temps que les missionnaires qui partaient évangéliser les terres inconnues du globe. De plus, après le concile de Trente (1545-1563) les ordres religieux ont été autorisés à produire et vendre des liqueurs, des confitures , des fruits confits et ainsi mieux s'auto-financer etc... Ainsi les règles monastiques se sont un peu relâchées laissant la place à une créativité inédite que nous explorerons plus tard dans le cadre d'un article à part.


Ce qui est sûr c'est que la Pastiera est une fusion géniale de croyances, de produits de la terre et de l'esprit. Tant de moelleux, tant de saveur valent bien une messe!



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