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  • Photo du rédacteurleo22062

Manger un welsh à Roubaix

Roubaix est à 20 kilomètres de Lille, 18 minutes de train et à 18 000 années lumière en termes d'écart socio-culturel.

Quand on sort à la gare de Lille on s'engage directement dans le flot d'une métropole assez vibrante avec ses bandes de jeunes, ses femmes actives qui marchent vite et ses terrasses pleines de gens attablés devant de grandes bières. Le centre ville est hyper cossu, les ruelles sont pavées, les maisons de pierre et de briques sont joliment colorées. Vieille bourse, Halle aux sucres, gaufres Meert, tout évoque l'opulence et le confort du Nord et incite à manger une bonne tarte au Maroilles.

A Roubaix, changement de décor. On quitte vite la gare où zonent quelques shlags à l'oeil torve et on descend la longue avenue Jean Lebas bordée d'étranges sculptures d'animaux psychédéliques, seules tâches de couleurs dans le gris ambiant.

Dead Zone

L'avenue est sinistre, bordée de bâtiments en briques typiques du Nord ouvrier, pleine de rideaux tirés, de fenêtres fermées et les rares commerces ouverts n'incitent pas vraiment à la consommation. Les mannequins de la boutique de mariage ressemblent à des corps pâles emprisonnés dans leur vitrine tandis qu'à côté, deux compositions pâtissières rachitiques et colorées de poussière vous invitent à passer votre chemin.



Il est 11 heures et demie et la ville est semi-déserte. Pas l'ombre d'un marché aux légumes, pas un enfant sur une trotinette...Les seules personnes qui marchent sous le soleil nordique sont des cas soc' qui apparemment n'ont pas dessaoulé de la veille ou des barbus en djellabas baskets.


La Piscine, qui, comme son nom ne l'indique pas, est un musée n'ouvre qu'à 13:00 le samedi, contribuant ainsi à l'ambiance de gueule de bois générale qui règne sur la ville. Le restaurant du musée ouvre à midi mais il est déjà complet. Là, voyageur contemporain que vous êtes, vous saisissez votre tel et compulsez Google Maps à la recherche d'un resto où manger un moules-frites, on est dans la région quand même! Et bien ce n'est pas si évident que ça à Roubaix! A vrai dire tous les restos sont fermés le midi à l'exception de Kebab Express et Rapid Kebab, qui eux affichent des horaires fixes...Le café devant l'hôtel de ville sent un mélange de robusta et d'eau de Javel et fait trop peur pour considérer y poser une fesse...

Errance dans la ville.

Beaucoup de maisons à un étage pressées les unes contre les autres , beaucoup de commerces fermés, des devantures intouchées depuis les années 60.

En revanche l'architecture fonctionnelle est impressionnante et en dit long sur l'activité passée de cette ville ouvrière aujourd'hui appauvrie. Anciennes postes, manufactures et filatures se dressent comme de véritables temples dédiés au travail et au progrès dans un mélange quasi fastueux de briques rouges et de pierre de taille.


Mais tout ça ne nourrit pas son homme.


Le boulevard du Général Leclerc est hostile pour l'estomac qui a faim.


Une fois passés Les Archives Nationales du Monde Du Travail et la Maison de l'Emploi du Roubaisis (décidément tout est en relation avec le labeur dans cette ville), croisé un flot disparate de français de souche gris comme leurs poumons malades et de femmes en voile intégral, on débouche sur un ensemble de magasins outlet comme on en trouve en périphérie des villes. Rectangles impersonnels et identiques, on les distingue les uns des autres en lisant les logos. Nike, Guess, ce genre de trucs.

Un bloc plus haut que les autres se dresse à l'entrée de cette ville marchande bas de gamme: KFC.

Là, il ne faut pas céder.

On n'a pas fait tout ce chemin dans les Hauts de France pour manger dans un fast food américain surtout qu'on a résisté au Kebab alors ne lâchons rien et continuons à chercher une spécialité locale.

Heureusement, en face de ce village factice peuplé d'enseignes, on distingue une brasserie, le Broutteux. Pas une de ces grandes brasseries boisées avec le comptoir en zinc, plutôt le genre banquette en skai et gros carrelage gris. L'intérieur est blindé de monde. Un monde en piteux état. Beaucoup des clients, des habitués apparemment ont l'air d'avoir subi un AVC avec séquelles. Il y a des cannes et des déambulateurs rangés entre les tables. Beaucoup de gens mangent seuls, ils ont les yeux dans le vide en sauçant la grosse sauce marron de leur carbonade flamande...

Mieux vaut déjeuner dehors même si les tables sont près des pots d'échappement.

La carte est imprimée sur des sets en papier et propose enfin un florilège de plats exotiques: fricadelle, potjevleesch et...


Welsh!!!


Qu'est ce que le Welsh, dit encore Welsh Rabbit? et bien c'est une variation du croque monsieur d'origine galloise à base de pain, de bière, de cheddar fondu et de moutarde, souvent même rehaussée d'un oeuf. C'est dire si le plat est roboratif. Quand on a faim, qu'on a travaillé à la chaine dans une filature pendant des heures ou, de façon plus réaliste, après une bonne cuite, le Welsh tombe à point nommé.



Mais où est le rapport avec le Rabbit, le lapin, quoi?

Là, il faut remonter vers les origines du plat, et les nombreuses déformations infligées par le temps, l'histoire et les accents régionaux. En effet on dit que le terme de Welsh rabbit dérive de Welsh Rarebit et qu'il s'agit a priori d'une moquerie à l'égard des Gallois (qui sont pour les britanniques ce que les belges sont aux français). Selon la légende, ces derniers n'avaient pas les moyens de se procurer de la viande de lapin et n'étaient pas capables de la chasser, se contentant donc de fromage fondu sur une tartine, en guise de substitut.

Je trouve cette histoire un peu scabreuse, comme plein d'histoires de vieilles recettes d'ailleurs. Qui aurait l'idée de faire une tartine de lapin???!! Un ragout, passe encore, mais une tartine de lapin, sérieux?

C'est bien pour cela que je n'ai pas envie de m'attarder sur l'étymologie du terme.

Par contre j'aime bien spéculer sur l'arrivée du plat en France. On parle d'un bataillon gallois présent lors du siège de Boulogne en 1544. Je les imagine avec des blocs de cheddar cachés dans leur pourpoints...

Ou plus récemment la Première guerre mondiale, où j'imagine les mêmes mecs avec d'autres tenues et toujours des blocs de cheddar cachés sous l'uniforme...


Bref, je vous file l'adresse du Broutteux, c'est 34 place de la Liberté à Roubaix, le service y est efficace, les frites croustillantes et vous y mangerez vraiment pas cher (formule déj à 11 balles).


A Lille, on m'a parlé du Welsh du Georges V, un humble bar tabac situé au 104 Bis Boulevard de la Liberté (encore)dont c'est la spécialité. J'irai tester quand je passerai en terres nordiques.


Et puis je partage aussi la recette du Welsh ci-dessous, celle du chef nordiste Benjamin Bajeux histoire de justifier le fait que Miam. World est un site qui parle de cuisine et non pas un bloc note sociologique peu orthodoxe.


Bisoux


Les ingrédients (pour quatre personnes)

  • 400 gr de cheddar râpé

  • 4 tranches de jambon

  • 4 tranches de pain de campagne un peu rassies

  • 30 cl de bière (blonde ou ambrée)

  • 4 cuillers à soupe de moutarde

  • Sel et poivre

Préparation

  • Dans une poêle, mettre le cheddar râpé, 4 cuillers à soupe de moutarde, la bière, le poivre et le sel.

  • Laisser fondre en mélangeant le tout régulièrement.

  • Découper 4 tranches de pain en dés.

  • Verser 30 cl de bière blonde sur les dés de pain et laisser absorber toute la bière par le pain.

  • Découper également 4 tranches de jambon en dés

  • Dans des caquelons, allant au four, mettre des morceaux de pain imbibé de bière puis les dés de jambon puis la sauce au Cheddar.

  • Saler et poivrer.

  • Mettre au four 10 minutes à 180°.









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