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  • Photo du rédacteurleo22062

Veau de Pentecôte et digression sur la viande

Les repas traditionnels m'intéressent.

Qu'est-ce qu'on mange à quel moment et pourquoi.


Dans 90% des cas, ces repas sont liés à la liturgie païenne et/ou religieuse que le système capitaliste incorpore tout naturellement à notre environnement, qui est celui de la société de consommation.


Hier, je zonais sur Google à la recherche d'iconographie de la Pentecôte qui, vous le saviez peut-être, est à l'origine une fête juive que l'on célèbre cinquante jours après Pâques, d’où ce nom qui vient du grec ancien pentêkostề hêméra qui signifie « cinquantième jour » et je suis tombée sur des suggestions de menu.


C'est là que j'ai découvert le veau de Pentecôte...



Autant l'agneau pascal ça me disait quelque chose, mais le veau de Pentecôte, rien du tout. Et en effet, en faisant quelques recherches, je me suis rendue compte que c'était une opération de promotion alimentaire de la Confédération française de la boucherie apparue en France à la fin des années 1990. Rien de liturgique, donc ! Juste une opération commerciale déguisée en tradition, une manière de vendre du bébé bœuf un mois après le bébé mouton.



Je ne suis pas végétarienne, mais je pense que comme beaucoup de gens, je n'aime pas beaucoup penser à ce qu'il y a "derrière" un gigot, un steak ou une bavette. Le monde merveilleux dans lequel je vis ne m'a jamais mis au contact de l'abattage des animaux. J'ai toujours acheté ma viande au supermarché, rarement chez le boucher, pour éviter la proximité avec la chair fraîche et l'odeur du sang...Je suis habituée à la plastique et l'esthétique du produit fini.


Meat is murder? ben oui...


Il y a quelques années, en visite dans le Jura, de jeunes éleveurs d'une toute petite exploitation où les bovins vivaient et paissaient dans des prés à l'herbe grasse m'avaient déjà mis face à mes paradoxes et ma mauvaise foi de bobo-citadine. Alors qu'ils m'expliquaient qu'ils connaissaient et aimaient chacune de leur bête, mais aussi que le week-end ils débitaient eux-mêmes les morceaux de celles qui avaient été abattues avec un ami chirurgien, je n'ai pas pu réprimer un mouvement de dégout. Et là, ils se sont bien foutu de ma gueule en me faisant remarquer que la viande que nous avions partagée ensemble le midi n'avait pas été produite ex-nihilo, que les bêtes que j'avais vues dans les prés un peu plus tôt allaient inexorablement finir en escalope, qu'elles ne poussaient pas dans des barquettes et qu'il était naïf, voire malsain de ne pas le reconnaître.

J'étais repartie un peu bouleversée, comme une enfant qui prend conscience de la mort et du même coup du mensonge des images d'Épinal qui sous-tendent la réalité omnivore.


Car oui, les images, et la médiation qui substitue la représentation au réel nous plonge dans une certaine dichotomie.


#MEAT TOO

Ça m'a fait repenser à certaines images issues de la collection de photographie vernaculaire de Jean-Marie Donat pour lequel j'ai eu la chance d'écrire à plusieurs reprises. Dans son livre Tout Doit Disparaitre qui a fait l'objet d'une belle exposition au 104, il y a pas mal de photos de bouffe et de bidoche. Elles proviennent de la première moitié du 20ème siècle américain, période de faste et d'hyperconsommation dans laquelle l'image publicitaire s'est incroyablement démultipliée. Je me permets de coller quelques images de la série "Meat Too" extraite du livre et d'ajouter le texte que j'avais rédigé pour celle-ci.


Collection Jean Marie Donat

Collection Jean Marie Donat

"Quel étrange spectacle que ces gens souriants, posant aux côtés de grosses pièces de viande rouge vif ou que cette femme recueillie devant une gigantesque dinde posée sur la table comme un nu obscène. Les morceaux choisis, présentés comme des objets précieux et portés par de jeunes gens en pleine santé ou des bouchers à l'air bienveillant, paraissent complètement décontextualisés de ce qu’ils sont à l’origine, c'est-à-dire de la chair d’animal mort. Dans les sociétés modernes, le produit est bel et bien traité comme un objet abstrait qui doit plaire à l'œil, quitte à euphémiser, voire à mentir tout à fait sur la réalité de sa production. Ici, l'acte d'abattage qui sous-tend la présence de toute viande est éludé pour laisser toute sa place à la symbolique du régime carné : un régime qui, depuis le Moyen-âge, promeut une certaine idée de force et de prestige social."


Mais bon, il s'agit de photos des US dans les années 60.

Les temps changent.

En France, la consommation a baissé de façon assez significative et pour vous dire la vérité, je ne connais personne qui a préparé un rôti de veau ce week-end. C'était juste un prétexte pour écrire et montrer les photos de l'ami Donat.






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